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2 · Capteur


le photoscope discrétise
Le capteur photo-numérique, ou photoscope, est le siège de l'événement fondamental dans la chaîne de création d'une image photographique numérique : il réalise l'opération de discrétisation du signal lumineux. Les rayons lumineux arrivent à la surface du capteur après avoir été regroupés et déviés par l'objectif de l'appareil et réagissent avec les millions de photodiodes qui le composent. Ce processus est similaire au principe de la pellicule en photographie argentique : des millions de grains d'argent sont disposés à la surface de la pellicule, et susceptibles de réagir avec un certain nombre de rayons lumineux. Mais ce qui différencie radicalement les deux techniques photographiques, au-delà de la nature chimique ou électronique des réactions de leurs éléments fondamentaux de captation respectifs, c'est la disposition de ces éléments. Les grains d'argent sont disposés de manière homogène, mais sans ordre pré-établi. La densité, le nombre font l'homogénéité, même si à l'échelle moléculaire on peut constater des irrégularités. Les photodiodes sont, elles, disposées de manière absolument contrôlée et définitive, lors de la fabrication du capteur. Ainsi leur rangement, leur ordre sont connus, invariants. La discrétisation de l'énergie lumineuse captée, c'est-à-dire son rangement en petites cases, est ainsi possible. Le concept de pixel émerge. On peut noter en outre que la disposition des photodiodes n'est pas nécessairement mimétique d'un tableau en abscisses et ordonnées, mais peut impliquer par exemple le regroupement de plusieurs photodiodes équipées de différents filtres de couleurs primaires pour calculer la couleur d'un pixel unique de l'image à venir. On parle alors de photosite. Cette combinatoire n'affecte pas le principe de discrétisation, je n'entre donc pas dans le détail, et dorénavant dans ce texte on se référera à l'élément fondamental de captation photo-numérique, qu'il soit photodiode seule ou photosite, sous le nom de cellule (quelques précisions sur ces cellules, en rapport avec la partie 1,2 · Numérisation précédente, sont disponibles dans la boîte blanche ci-contre).

échelles de crédibilité
On peut rappeler d'autre part l'importance de la taille du grain dans la photo argentique (mesurée en ASA). On utilise par exemple de plus gros grains pour augmenter leurs chances de réaction en cas de basse luminosité. Le même genre de calcul peut être effectué en regroupant de nombreuses cellules pour un même pixel de l'image finale. La résolution de l'image finale, c'est-à-dire le rapport du nombre de pixels à la surface originellement couverte, en est en outre considérablement diminuée. Au-delà de ces considérations de luminosité, la discrétisation d'un signal implique le choix d'une taille pour la brique fondamentale - la cellule dans le cas du capteur photo-numérique. C'est une question cruciale d'échelle : on comprend aisément que de la taille de cette brique va découler toute la crédibilité de l'image aux yeux du spectateur. Si celui-ci distingue in fine plutôt le pixel qu'il ne voit l'image elle-même, l'appareil ne délivre pas sa promesse de réalisme...

un univers fini ?
Enfin le schéma de conception d'un capteur permet de calculer exactement l'ensemble des images qu'un appareil a le potentiel de produire : pour un nombre donné de cellules, dont chacune possède une profondeur de couleurs absolument quantifiée, il existe une quantité finie d'images possibles à produire.

approche expérimentale
Voyons comment ces 3 caractéristiques essentielles du capteur peuvent être révélées, par l'intercession de l'ordinateur. En effet, puisqu'on ne peut raisonnablement prétendre intervenir directement sur le capteur photo-numérique, dont la mise en oeuvre est exclusivement industrielle, l'introduction d'expérimentations dans le processus de la photographie numérique au sein de son éco-système informatique semble constituer une bonne porte d'entrée pour mieux comprendre le fonctionnement du capteur lui-même. Et permettre la production de nouvelles formes.
Je vais m'attacher à passer une photographie numérique originale “Rouge, vert, bleu” (accessible par l'aperçu dans la boîte noire ci-contre) à la moulinette de plusieurs programmes que j'ai créés, dans le but de dévoiler des processus implicites et exclusifs du couple capteur photo-numérique + ordinateur, que ses produits - les photographies - tendent à dissimuler. Ces expériences ont également pour objet de faire basculer l'image photo-numérique dans un champ plastique, de la détacher de sa vocation de traditionnelle représentation figurative et ainsi de questionner les modalités de son rapport au réel.

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